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Nos articles juridiques

Retrouvez ici l’ensemble des articles de notre Newsletter.

Au programme : 

Les week-ends et soirées d’intégrations, le bizutage et la favorisation des infractions de nature sexuelles, 09/2022

La reconnaissance des violences psychologiques dans le contexte conjugal : vers le modèle canadien du syndrome de la femme battue? 10/2022 

La légitime défense et les affaires de violences conjugales, 11/2022 

La contradiction entre la dénonciation de violences et le secret médical, 01/2023 

La correctionnalisation, 03/2023

Rappel juridique : 4 textes clés autour de la lutte contre les VSS dans l’enseignement supérieur, 04/2023

L’enquête préliminaire, 12/2023

L’outrage sexiste, 01/2024

Le droit à l’IVG, 02/2024 

Les week-ends et soirées d'intégrations, le bizutage et la favorisation des infractions de nature sexuelles.

Septembre 2022

Avec la rentrée universitaire, les week-ends et les soirées d’intégration sont des lieux propices au bizutage ou aux infractions de nature sexuelle. Ce risque est renforcé par la consommation d’alcool et la circulation de drogues.

→ La reconnaissance du bizutage en tant que délit

On peut définir le bizutage comme étant la brimade que font subir les ancien-nes élèves d’une classe préparatoire à une grande école aux nouveaux-elles venues (1). Le bizutage est désormais un rituel dans la majeure partie des établissements d’enseignement supérieur.

En réponse aux abus qui ont pu être dénoncés, la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a créé le délit de bizutage, appréhendé par l’article 225-16-1 du Code pénal, disposant alors : « Hors les cas de violences, de menaces ou d’atteintes sexuelles, le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants ou à consommer de l’alcool de manière excessive, lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, sportif et socio-éducatif est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ».

  • Forcer une personne à consommer de l’alcool, ou encore à commettre/à subir des comportements humiliants tels que des moqueries, insultes, activités physiques, jets de projectiles, etc, est donc désormais répréhensible et des condamnations peuvent alors être prononcées.
  • En cas de violences, menaces ou atteintes sexuelles, ces faits tombent sous une qualification pénale spécifique, susceptible d’induire des peines plus lourdes. (2)

 

→ Une volonté de mieux appréhender la prise d’alcool et de drogue avec la loi du 24 janvier 2022

Traditionnellement, la consommation d’alcool et de drogue est appréhendée comme une circonstance aggravante d’une infraction, donnant lieu à des peines plus lourdes. Il est ainsi expressément prévu que des actes de violence volontaire commis « par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants » aggravent la peine encourue (3). Le viol et l’agression sexuelle n’échappent pas à cette règle (4).

Pour autant, les juges avaient jusque là toujours la possibilité de retenir des peines moins lourdes, en considérant les individus comme irresponsables pénalement pour cause de trouble psychique ou neuropsychique (5). En effet, prises en très grande quantité, ce type de substances, dites psychotropes, peuvent entraîner une altération ou une abolition du discernement, c’est-à-dire une diminution voire une incapacité à appréhender et juger sainement l’environnement qui nous entoure.

Désormais, la loi distingue la prise volontaire de ces substances << dans le dessein » de commettre l’infraction ou bien d’en faciliter la commission (6), pour rejeter une cause d’irresponsabilité pénale (7). Un individu reste donc punissable et ne peut plus se prévaloir d’une altération/abolition de discernement pour échapper aux peines les plus lourdes (8) s’iel a volontairement consommé ces substances.

→ Conclusion

Si les week-ends et soirées d’intégration visent à permettre de rencontrer ses nouveaux-elles camarades de promo, il est important de garder à l’esprit les limites à ne pas dépasser lors de ces évènements !

En cas de problème, ne restez pas seul-es, vous pouvez vous tourner vers les référentes égalité, les associations étudiantes ou les cellules de veille existant au sein de votre établissement.

(1) source: définition du CNRTL

(2) Par exemple, 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende en cas de violences volontaires aggravées (C. pén., art. 222-13).

(3) C. pén., art. 222-13 14°

(4) C. pén., art. 222-24 12°; C. pén., art. 222-28 8°

(5) C. pén., art. 122-1

(6) Article 122-1-1 du Code pénal, issu de la loi du 24 janvier 2022

(7) C. pén., art. 122-1-1; C. pén., art. 122-1-2

(8) Depuis la loi du 15 août 2014, une peine privative de liberté peut être réduite d’un tiers du maximum légal, en cas d’altération du discernement.

La reconnaissance des violences psychologiques dans le contexte conjugal : vers le modèle canadien du syndrome de la femme battue ?

Octobre 2022

→ Le « cycle des violences » : une découverte sociologique et psychologique

Les différentes formes que peuvent prendre les violences font partie d’un continuum progressif, allant du psychologique au physique.

Dans le cadre des relations conjugales, entendues au sens juridique comme toutes les violences commises entre conjoint.es, concubin.es, partenaires de PACS et anciennes relations, on parle de cycle des violences, puisque celles-ci s’exercent selon un schéma particulier. Les périodes de violences sont suivies de périodes d’excuses et de rémission, qui donnent espoir à la victime que sa on partenaire change et que les violences ne se reproduisent plus. Cela explique en partie pourquoi les personnes dans des relations violentes sont souvent dans l’incapacité de s’en échapper.

Les violences psychologiques constituent le socle des violences conjugales puisqu’elles ont pour objectif de fragiliser la victime en la déstabilisant progressivement jusqu’à la contrôler, notamment par l’utilisation de certains mots ou actions. On parle d’emprise.

→ Les difficultés à reconnaître les violences psychologiques dans le droit

Les violences psychologiques ne sont reconnues et réprimées par le code pénal que depuis la loi du 9 juillet 2010, qui les consacre officiellement comme une forme de violence (C. pén., art. 222-14-3). Cette loi a également introduit le délit spécifique de harcèlement moral au sein du couple, puni de 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende (C. pén., art. 222-33-2-1), soit plus sévèrement qu’un tel harcèlement en dehors du couple (C. pén., art. 222-33-2). Cette reconnaissance permet alors une meilleure prise en compte du cycle des violences dans les affaires de violences conjugales.

De plus, la loi du 30 juillet 2020, adoptée à la suite du grenelle des violences conjugales de 2019, est venue approfondir ces avancées en reconnaissant officiellement comme une circonstance aggravante le harcèlement moral sur conjointe ayant conduit la victime au suicide ou à sa tentative, qui sera alors réprimé par 10 ans d’emprisonnement. Au-delà du droit pénal, a également été introduite en droit civil l’interdiction de la médiation dans une procédure de divorce en cas d’emprise au sein du couple.

Mais l’absence de définition juridique claire de l’emprise et des violences psychologiques demeure un problème. Cette absence limite la prise de conscience des violences subies pour les victimes, mais également la capacité à les dénoncer et donc à les juger.

→ Au Canada: la reconnaissance du syndrome de la femme battue

Au Canada, les juges ont reconnu en 1990 l’existence d’un syndrome de la femme battue (SFB), dans une affaire de meurtre d’un homme par sa conjointe (Cour Suprême du Canada, arrêt Lavallée c/ Canada, 1990). Le SFB est théorisé dès la fin des années 1970 par la psychologue américaine Lenore Walker qui diagnostique des symptômes communs chez les victimes de violences conjugales hypervigilance, déni, minimisation des violences commises, etc. Ceux-ci permettraient alors de mieux comprendre l’impact psychologique des violences et d’expliquer, dans certains cas, une réaction à l’acte violent ayant lieu a posteriori.

En France, ce syndrome est évoqué pour la première fois dans les tribunaux à l’occasion du procès de Valérie Bacot en juin 2021, reconnue coupable de l’assassinat de son conjoint violent. Si ce syndrome est loin d’être accepté et reconnu en droit français, le modèle canadien suscite de plus en plus d’intérêt car il permettrait de trouver une réponse pénale plus adaptée, en admettant une « légitime défense différée » pour les personnes victimes de violences conjugales.

 

La légitime défense et les affaires de violences conjugales

Novembre 2022

→ Les conditions de la légitime défense

La légitime défense est une des causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité pénale (Code pénal), c’est-à-dire que si une personne commet un acte normalement réprimé par la loi, elle pourra exceptionnellement ne pas être sanctionnée si cet acte est réalisé dans des conditions définies par celle-ci.

Il existe deux cas de légitime défense, tous deux définis à l’article 122-5 du code pénal :

> la protection d’une personne

> la protection d’un bien.

Seule la légitime défense d’une personne sera abordée ici.

Ses conditions sont très encadrées par le Code pénal. D’une part, l’atteinte subie par la personne doit être :

  • Réelle (l’auteur-ice de la riposte doit avoir légitimement cru qu’il existait un danger pour iel-même ou pour autrui)
  • Injustifiée (toute forme d’attaque ou agression dont résulte un danger physique ou moral, qui n’est pas autorisée)

 

Par exemple, certains actes de l’autorité publique sont considérés comme réguliers malgré une potentielle violence et qui n’a pas été provoquée par la victime.

D’autre part, la légitime défense implique par définition une riposte à cette atteinte, qui doit être :

  • Simultanée : avoir lieu au moment même de l’atteinte (sinon il s’agit davantage de vengeance privée que de légitime défense)
  • Nécessaire : constituer le seul moyen de se soustraire au danger provoqué par l’agression
  • Proportionnée : les actes de la riposte doivent être proportionnels aux actes de l’agression

 

→ La légitime défense en situation de violence conjugale

Les nombreux procès médiatisés de femmes condamnées par la justice pour avoir tué leur conjoint violent ont fait naître une importante remise en question de la notion de légitime défense telle que définie par le droit. En effet, lors des procès de Jacqueline Sauvage (septembre 2012) et, plus récemment, Valérie Bacot (juin 2021), s’est posée la question de plaider la légitime défense pour ces femmes qui avaient subi des violences physiques, psychologiques et sexuelles pendant des années.

Pourtant, les juges n’ont pas retenu ce moyen soulevé par les avocat.es, en justifiant que la condition de riposte simultanée à l’atteinte n’était pas remplie. Pour reprendre l’exemple de Jacqueline Sauvage, celle-ci n’a pas tué son conjoint alors qu’il l’agressait, mais alors que celui-ci était assis, de dos.

Cependant, les violences conjugales sont une situation particulière notamment au vu des violences répétées ayant un impact direct sur la psychologie des victimes qui sont souvent incapables de réagir immédiatement. C’est pourquoi le Canada a dégagé une hypothèse de légitime défense différée, qui prend en compte ces répercussions psychologiques à travers le syndrome de la femme battue (voir l’article d’octobre à ce sujet).

En droit canadien, dans les affaires de violences conjugales, la riposte peut avoir lieu dans un laps de temps différé de l’attaque, ce qui, en France, est souvent présenté comme un « permis de tuer ».

En l’état actuel du code pénal français, cette légitime défense différée est en effet impossible à plaider. Plusieurs propositions de loi ont été présentées pour modifier le droit en prévoyant une circonstance atténuante de responsabilité lorsque que l’acte s’inscrit dans un contexte de violences répétées, voire une présomption de légitime défense dans ces cas (il revient alors à l’accusé de prouver que l’acte de défense de la victime n’était pas légitime), sous réserve d’une expertise attestant d’un état de stress post-traumatique au moment des faits. Aucune de ces propositions de loi n’a été adoptée, laissant regretter un décalage entre l’état du droit actuel et la particularité des violences conjugales.

La contradiction entre la dénonciation de violences et le secret médical

Janvier 2023

→ Le principe de la révélation d’infraction atténué par le secret médical

En matière pénale, il existe un principe de révélation d’une infraction: une personne qui a connaissance qu’un crime a été commis ou est en train de se commettre, et dont il est possible d’en limiter les effets, se doit d’avertir les autorités. Si elle ne le fait pas, elle s’expose à des sanctions: trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende (C.pén. art. 434-1). Cette obligation pèse particulièrement lorsque les infractions concernent des publics considérés comme vulnérables, tels que les mineur.es (C.pén. art. 434-31).

Cependant, dans certains cas, ce principe de révélation d’une infraction peut entrer en contradiction avec un autre principe majeur : le secret médical. En effet, tous.tes les professionnel·les intervenant dans le système de santé sont tenu-es au secret médical concernant les informations des personnes prises en charge par elleux-même ou par leur établissement (CSP, art. L.1110-4). Sont notamment concerné es le personnel médical, mais également les assistant.es du service social, kinés, psychologues et psychiatres.

Cela signifie qu’iels ont l’interdiction de diffuser des informations sur l’état de santé, l’identité, les confidences, les observations et analyses professionnelles des personnes prises en charge. En effet, révéler une information couverte par le secret médical est également passible de sanctions pénales, à savoir un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende (C. pén., art. 226-13). Le principe est donc de respecter le consentement du de la patient-e pour la communication de ces informations. Il est possible que plusieurs professionnel·les échangent entre elleux au sujet d’une patient-e, qui aura cependant toujours la possibilité d’y opposer son refus.

→ L’apport de la loi du 30 juillet 2020 pour mieux protéger les mineur-e-s et les victimes de violences conjugales

Afin de mieux protéger les catégories de personnes dites vulnérables, comprenant notamment les mineures ou les victimes de violences conjugales, la loi du 30 juillet 2020 apporte certaines nuances au principe du secret médical. Elle intègre ainsi deux nouveaux articles dans le code pénal, qui autorisent une médecin à informer le procureur de la République lorsqu’iel soupçonne des faits de violences conjugales, ou des faits de violences sur son sa patient.e mineur.e.

Plusieurs conditions doivent être remplies pour autoriser une telle révélation. Le-a médecin doit ainsi estimer « en conscience » que son sa patient e subit des faits qui le a place en situation de « danger immédiat » (C. pén., art. 226-14 al.3). De plus, avant d’informer le procureur, le-a médecin doit tout tenter pour obtenir le consentement de la victime à la révélation des faits. Ce n’est qu’à défaut du recueil de cet accord que le-a médecin est autorisé.e faire un tel signalement. Ici, outrepasser l’accord de la victime est justifié par son incapacité à se protéger elle-même.

A noter qu’il s’agit d’une autorisation (et non d’une obligation) pour le a médecin de signaler des faits susceptibles de mettre en danger le-a patient-e, et que celle-ci empêche donc toute poursuite à l’encontre du de la médecin qui aurait révélé l’information.

Enfin, il convient de rappeler que le signalement des faits ne constitue pas une expertise ou un certificat médical et ne saurait alors servir de preuve dans un procès pénal éventuel. Il s’agit simplement d’informer l’autorité judiciaire d’une situation dangereuse, afin que cette dernière puisse apporter les secours nécessaires.

 

La correctionnalisation

Mars 2023

→ Qu’est ce que la correctionnalisation?

La correctionnalisation est une pratique très ancienne correspondant à la requalification d’un crime en délit. Il en existe deux types: la correctionnalisation légale, c’est-à-dire voulue par le législateur au regard de l’évolution des mœurs, et la correctionnalisation judiciaire. Dans ce cas, cela signifie qu’une infraction qui aurait dû être jugée comme un crime devant une cour d’assises en raison de sa gravité, sera jugée comme un délit devant un tribunal correctionnel. Lorsqu’elle est décidée par le procureur à l’issue de l’enquête, la correctionnalisation requiert le consentement du mis en cause et de la victime, ce qui n’est pas le cas au cours de l’information judiciaire devant le juge d’instruction.

Pour rappel, il existe une classification tripartite des infractions en droit pénal:

• Les contraventions: jugées devant un tribunal de police, seule une amende est encourue;

• Les délits jugés devant un tribunal correctionnel, la peine d’emprisonnement maximale encourue est de 10 ans ;

• Les crimes jugés devant une cour d’assises, la peine de réclusion encourue va de 10 ans à la réclusion criminelle à perpétuité (les juges peuvent cependant retenir une peine plus courte selon les circonstances et le contexte de l’affaire).

Ainsi, la correctionnalisation consiste pour le-a juge à ne pas retenir la qualification criminelle en ne reconnaissant pas certaines circonstances aggravantes ou élément constitutif du crime. Par exemple, le viol est caractérisé par une pénétration sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise; mais si la pénétration sexuelle n’est pas retenue, l’infraction sera jugée en tant qu’agression sexuelle.

→ Pourquoi ?

La correctionnalisation serait souvent pratiquée dans une logique de bonne administration de la justice, afin de pallier le manque de magistrates, le coût financier d’un procès en cour d’assises et les délais très longs en matière criminelle. Par ailleurs, les crimes étant jugés devant une cour d’assises composée de 3 magistrat.es professionnel·les et de 6 juré-es issues de la société, la correctionnalisation permettrait alors, selon certain.es, d’éviter de soumettre le dossier aux incertitudes des jurés non- professionnel.les, et donc d’assurer une condamnation par le tribunal correctionnel composé exclusivement de professionnel·les.

→ Quelles conséquences?

Inévitablement, la correctionnalisation a des conséquences sur les peines. Par exemple, le viol est un crime puni de 15 ans de réclusion criminelle, mais dont la peine maximale encourue ne sera plus que de 10 ans s’il est requalifié en délit. Une telle requalification constitue par conséquent une forme de dérogation à la classification tripartite des infractions. Cette pratique est donc en théorie illégale car elle n’est prévue par aucun texte et il appartient au juge de donner aux faits leur exacte qualification juridique. Cependant, son existence a en quelque sorte été « reconnue » par une loi de 2004 qui introduit la possibilité de contester la correctionnalisation du dossier par le juge d’instruction (CPP, art. 186-3).

 

Rappel juridique
4 textes clés autour de la luttre contre les VSS dans l'enseignement supérieur

Avril 2023

Article L.712-2 du Code de l’Éducation : 

Le·la Président·e d’Université publique doit garantir la sécurité des membres du personnel et des usager·es (les étudiant·es) de son établissement. Iel est par ailleurs chargé·e de nommer un·e chargé·e de mission égalité entre les hommes et les femmes au sein de l’établissement.


Article 80 de la loi du 6 août 2019 :

« Chaque établissement dispose d’un dispositif de signalement qui a pour objet de recueillir les signalements des agents qui s’estiment victimes d’un acte de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d’agissements sexistes et de les orienter vers les autorités compétentes en matière d’accompagnement, de soutien et de protection des victimes et de traitement des faits signalés ». Les modalités de mise en œuvre du dispositif de signalement dans la fonction publique sont précisées par le décret du 13 mars 2020, rendu applicable par l’arrêté du 17 mars 2021 du MESR.

Décision-cadre 2020-136 du 18 juin 2020 relative au respect de l’identité de genre des personnes transgenres : 

Le Défenseur des droits recommande aux Chef·fes d’établissements d’enseignement supérieur de permettre aux jeunes transgenres de se faire appeler par le prénom choisi, d’employer les pronoms correspondants, et de respecter les choix liés à l’habillement, et en prenant en considération leur identité de genre pour l’accès aux espaces non mixtes existants.

Décision n° 410644 du 27 février 2019 du Conseil d’Etat :

Un·e étudiant·e peut être sanctionné·e pour des faits qui se sont déroulés en dehors de l’établissement avec un autre étudiant·e si ces faits ont été connus dans l’établissement et ont affecté son bon fonctionnement.

L'enquête préliminaire

Décembre 2023

Qu’est-ce que l’enquête préliminaire ?

Aussi appelée enquête de police, il s’agit d’une enquête menée à la suite d’une plainte, par un·e officier·e de police judiciaire (OPJ) qui peut être accompagné·e d’un·e agent·e de police judiciaire (APJ). Cette enquête est menée sous le contrôle du procureur ou de la procureure de la République, qui est un·e magistrat·e chargé·e de représenter les intérêts de la société et d’assurer l’intérêt général, notamment en initiant et en dirigeant les enquêtes pénales.

Le but de cette enquête est de donner au procureur ou à la procureure de la République les éléments nécessaires afin de savoir quelles suites donner à la plainte, au nom du principe de l’opportunité des poursuites.

Depuis 2022, la durée de cette enquête ne peut en principe excéder 2 ans (CPP, art. 75-3). Le ou la procureur·e de la République peut décider de prolonger cette durée d’un an supplémentaire maximum s’iel l’estime nécessaire.

Attention, l’enquête préliminaire ne doit pas être confondue avec l’enquête de flagrance, qui est une forme d’enquête qui permet de dénoncer un crime ou un délit flagrant, c’est-à-dire qui se déroule actuellement ou qui a été commis récemment, sans avoir à passer par un dépôt de plainte. En effet, si le but est le même, les moyens mobilisables peuvent différer.

Quels sont les moyens mobilisables pour l’enquête préliminaire ?

Des moyens nombreux et variés sont mobilisables par les policier·es, certains nécessitent parfois l’autorisation du procureur ou de la procureure de la République ou d’un·e autre juge en raison de l’atteinte aux droits et libertés découlant de leur usage. Les policier·es peuvent notamment procéder à des perquisitions, à des expertises, mais également à des auditions et gardes à vue.

La victime peut être entendue tout au long de la procédure, et ce comme témoin. Le statut de témoin induit qu’elle n’a pas accès au dossier et n’est pas une véritable partie à la procédure puisqu’elle intervient juste pour donner plus d’éléments qui pourraient faire avancer l’enquête. Elle est alors convoquée par les enquêteur·ices, et une confrontation avec l’auteur·e peut être organisée avec son accord, si l’auteur·e est identifié·e et qu’une telle confrontation paraît utile et sans danger. La victime n’a donc aucune prérogative spécifique au stade de l’enquête préliminaire.

A noter que cette enquête est menée dans le respect du droit de chacun·e, à charge et à décharge, c’est-à-dire que les policier·es doivent rechercher tout indice ou preuve, aussi bien ceux tendant à prouver la culpabilité du ou de la mis·e en cause (on parlera aussi de “prévenu·e” en cas de contravention ou de délit, et d’”accusé·e” en cas de crime) que ceux tendant à prouver son innocence ou à atténuer sa responsabilité.

À l’issue de tous ces actes d’enquête, le ou la mis·e en cause est présenté·e au procureur ou à la procureure de la République qui choisit ou non de le ou la poursuivre en fonction des preuves récoltées et conformément au principe de l’opportunité des poursuites.

Quelles sont les issues possibles de l’enquête préliminaire ?

Le procureur ou la procureure de la République a l’opportunité des poursuites, iel a le pouvoir de décider s’il est opportun d’engager des poursuites judiciaires (= un procès pénal pour obtenir une condamnation). Pour cela, il tient compte de divers facteurs : concordance des faits avec un texte pénal d’incrimination, importance de l’infraction, preuves disponibles, intérêts des victimes et de la société, ressources disponibles. Iel vérifie également s’iel est compétent·e territorialement et s’il y a une irresponsabilité pénale.

Dans le cadre de ce pouvoir discrétionnaire, trois issues sont envisageables par le procureur ou la procureure de la République, qui informe la victime de sa décision (article 40-2 CPP) :

– Le classement sans suite.
C’est la décision de ne pas engager de poursuites contre la personne mise en cause. Cette décision peut être prise pour différentes raisons : absence de preuves suffisantes, prescription des faits, insuffisance de charges, impossibilité de retrouver l’auteur ou l’autrice présumé·e… Le classement sans suite met fin à la procédure judiciaire et permet à la personne mise en cause de ne pas être poursuivie pour les faits qui lui étaient reprochés.
La victime est avisée des raisons qui ont justifié une telle décision. Elle peut former un recours auprès du procureur général ou de la procureure générale contre cette décision de classement sans suite afin que des poursuites soient engagées (article 40-3 CPP).

– L’alternative aux poursuites.
Ce sont des mesures qui permettent de réparer le dommage qui a été causé, de mettre fin aux troubles ou de prévenir la récidive de l’auteur ou l’autrice de l’infraction. Elles peuvent prendre plusieurs formes : avertissement sur les conséquences en cas de récidive, médiation pénale, stage de citoyenneté, le travail d’intérêt général… Si le ou la mis·e en cause les refuse, le procureur ou la procureure pourra alors engager des poursuites.

– La poursuite.
Le procureur ou la procureure choisit de traduire en justice le ou la mis·e en cause.

Quelles sont les conséquences en cas de poursuite ?

En cas de poursuite ou de refus des mesures alternatives aux poursuites, une nouvelle phase s’ouvre, préalablement au procès. Là encore plusieurs cas de figure sont envisagés :

– Le renvoi devant la juridiction de jugement.
Il peut s’effectuer dans le cadre d’une comparution par reconnaissance préalable de la culpabilité. Il s’agit alors d’une procédure qui permet à une personne mise en cause de reconnaître sa culpabilité et d’accepter une peine sans passer par un procès. Ce type de renvoi est impossible lorsque l’auteur·e est mineur·e, lorsque l’infraction est un crime ou lorsque l’infraction est une agression sexuelle par exemple.
Il peut également s’effectuer dans le cadre d’une comparution immédiate. Il s’agit alors d’une procédure judiciaire dans laquelle la personne mise en cause est jugée immédiatement après son interpellation, sans délai ou renvoi devant un tribunal ultérieur. Ce type de renvoi est impossible lorsque l’infraction est un crime.
Dans les deux cas la victime en est informée.

– L’ouverture d’une information judiciaire.
Il s’agit d’une nouvelle enquête, menée cette fois par un·e juge d’instruction (qui est indépendant·e vis à vis du Ministre de la Justice, à l’inverse du ou de la procureur·e de la République). Elle est ouverte systématiquement pour les crimes, et est facultative en matière de délits et contraventions (très rare dans ce dernier cas). Cette information judiciaire fera l’objet de la prochaine newsletter !

La victime peut-elle agir sur l’enquête de police ?

La victime dispose de moyens pour réduire voire mettre fin à l’enquête de police :

– La comparution immédiate
Le Procureur ou la procureure, ou la victime elle-même, peuvent décider d’une citation directe par laquelle l’auteur·e des faits est informé·e de la date à laquelle iel doit se présenter devant le tribunal. C’est une procédure sommaire, pour laquelle il n’y a pas d’enquête de police (ou très brève), il revient donc à la victime d’apporter des éléments de preuves. Cette procédure ne peut être effectuée qu’en matière de contraventions et de délits, non pour les crimes qui nécessitent forcément une enquête approfondie.

– La constitution de partie civile
La constitution de partie civile permet à la victime d’être reconnue comme partie dans une procédure pénale afin de faire valoir ses droits et de demander réparation pour le préjudice subi (article 495-13 CPP). La constitution de partie civile n’est pas automatique lors du dépôt de plainte. La déclaration peut se faire après un classement sans suite ou sans réponse du parquet dans un délai de 3 mois après un dépôt de plainte (article 85 CPP). Dans le cadre d’un crime, cette déclaration peut être faite dès le dépôt de plainte.
Le fait de se constituer partie civile permet de déclencher l’action publique c’est-à-dire d’enclencher directement l’ouverture d’une information judiciaire, en mettant fin à l’enquête de police (même si celle-ci avait débuté). La constitution de partie civile permet également à la victime d’avoir accès au dossier, par l’intermédiaire de son avocat·e et dans le cadre de cette information judiciaire.

Sources :
https://www.youtube.com/@dictionnairejuridiqueenvideo
https://www.justice.gouv.fr/justice-france/justice-penale/procedure-penale
https://www.cabinetaci.com/lenquete-preliminaire-pouvoirs-duree-et-dossier/
https://www.avocat.fr/citation-directe
Enquête de flagrance – Enquête préliminaire (bensadoun-avocat.com)

L'outrage sexiste

Janvier 2024

Quelles infractions en lien avec le sexisme en France 

Ce 25 janvier 2024 a marqué la première journée nationale contre le sexisme. A cette occasion, nous vous proposons une petite pause dans notre série sur la place de la victime dans le procès pénal, pour vous présenter un zoom juridique sur le sexisme. 

Il existe un certain nombre d’infractions qui sont en lien avec le sexisme, mais nous nous focalisons ici sur la seule infraction qui mentionne explicitement l’aspect sexiste : l’outrage sexiste ou sexuel. 

Outrage sexiste ou sexuel : qu’est-ce que c’est ? 

L’outrage sexiste ou sexuel est le fait d’imposer à une personne un propos ou un comportement à connotation sexiste ou sexuelle, qui porte atteinte à sa dignité ou qui l’expose à une situation intimidante, hostile ou offensante.

L’outrage sexiste est une contravention passible d’une amende de maximum 1 500 € (C. pén., art. R625-8-3). 

Entré dans le Code pénal en 2019 avec la loi Schiappa du 23 mars 2019, l’outrage sexiste visait à l’origine à sanctionner le harcèlement de rue. Depuis, bien qu’il ait fait l’objet de très peu de condamnations, il a permis d’inscrire en droit français le caractère illégal de certains comportements largements banalisés 

Exemples : siffler une femme dans la rue, imposer des bruits obsènes imitant un acte sexuel à un·e camarade de promotion, commenter “sale pute” sous la publication Instagram d’une femme. 

Outrage sexiste ou sexuel : contravention ou délit ? 

Depuis le 1er avril 2023, lorsque l’outrage sexiste ou sexuel s’est déroulé dans certaines circonstances, considérées comme aggravantes, il devient un délit (C. pén., art. 222-33-1-1), c’est-à-dire une catégorie d’infraction plus élevée et une peine plus importante.  

Dans ce cadre, il est passible d’une amende de maximum 3750 euros et/ou d’une peine d’emprisonnement inférieure à 10 ans. La peine d’amende peut être assortie de peines complémentaires de suivi d’un stage (citoyenneté, par exemple) ou de travail d’intérêt général.

L’outrage sexiste ou sexuel aggravé est tel que défini plus haut et commis dans l’une des circonstances suivantes :

  • par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. Exemple: un professeur envers une élève ;

  • sur un·e mineur·e ; 

  • sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur·e. Exemple: un personnel universitaire envers une étudiante en situation de handicap visible ; 

  • sur une personne particulièrement vulnérable en raison de sa dépendance apparente ou connue de l’auteur·e, vulnérabilité causée par la précarité de sa situation économique ou sociale. Exemple: une assistante sociale envers une étudiante qui la sollicite dans un contexte de précarité étudiante ; 

  • par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur·e ou de complice Exemple: un groupe d’étudiants envers une étudiante ; 

  • dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageur·euses ou au transport public particulier ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageur·euses ; 

  • en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime. Exemple: envers une personne trans ; 

  • par une personne déjà condamnée pour la contravention d’outrage sexiste et sexuel et qui commet la même infraction en étant en état de récidive. 


Source : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F34550 et le Code Pénal 

Le droit à l'IVG

Février 2024

→ Introduction

Ce dimanche 25 février, sur CNews l’avortement était présenté comme la cause de mortalité la plus élevée au monde. De tels propos sont aussi choquants que faux et dangereux. En effet, bien loin d’être un crime, l’avortement est un droit reconnu par la législation française depuis 1975, et dont la constitutionnalisation est au cœur de l’actualité. Cet article est l’occasion de revenir sur ce droit, avec un œil juridique.

→ L’évolution

La reconnaissance d’un droit à l’avortement -ou à l’interruption volontaire de grossesse (IVG)- est le fruit d’une lutte féministe de longue haleine, qui ne faiblit pas même aujourd’hui. Longtemps considéré comme un crime et sanctionné à ce titre par la réclusion à perpétuité (dans le Code Pénal de 1810) voire la mort (un édit de 1556 prévoyait la peine de mort pour les femmes qui auraient eu la chance de survivre à un avortement), ce n’est qu’en 1975 qu’il est enfin autorisé en France. Reprenons ici les grandes lois ayant permis de renforcer ce droit essentiel :

Loi du 17 janvier 1975 (n°75-17), dite loi Veil → Légalisation provisoire de l’IVG – qui deviendra définitive par la loi n°79-1204 du 31 décembre 1979. L’IVG peut être réalisée sous certaines conditions seulement : dans un délai de 10 semaines de grossesse et sur demande à un médecin (celui-ci pouvant refuser d’y donner suite).

Loi du 27 janvier 1993 (n°93-121) → Création d’un délit d’entrave à l’IVG (élargi par la suite notamment par la Loi du 4 août 2014), qui sanctionne le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher, de pratiquer ou de s’informer, sur une IVG ou les actes préalables à celle-ci.

Loi du 4 juillet 2001 (n°2001-588) → Allongement du délai légal de 10 à 12 semaines de grossesse et assouplissement des conditions d’accès aux contraceptifs et à l’IVG pour les mineures.

Loi du 17 décembre 2012 (n°2012-1404) → Prise en charge à 100% par l’assurance maladie des frais liés à une IVG.

Loi du 4 août 2014 (n°2014-873) → Modification majeure dans les conditions de recours à l’IVG : plus besoin « d’état de détresse », l’IVG peut désormais être pratiquée par toute femme « qui ne veut pas poursuivre une grossesse ».

Loi du 26 janvier 2016 (n° 2016-41) → Suppression du délai de réflexion d’une semaine à respecter avant la réalisation de l’IVG pour les personnes majeures, et autorisation des sages-femmes à réaliser les IVG médicamenteuses.

Loi du 2 mars 2022 (n°2022-295) → Allongement du délai légal de l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse, possibilité de réaliser l’IVG médicamenteuse en téléconsultation, et possibilité pour les sages-femmes de réaliser des IVG instrumentales en établissements de santé (sous certaines conditions strictes, précisées par un décret n°2023-1194 du 16 décembre 2023).

→ Le cadre actuel

Aujourd’hui en France ce droit est garanti par la loi, et notamment par l’article L. 2212-1 du Code de la Santé Publique. Toute personne enceinte peut ainsi demander à un·e médecin ou à une sage-femme l’interruption de sa grossesse sans avoir à fournir de justification.

Les conditions d’accès à l’IVG sont les suivantes :
Seule la personne concernée peut en faire la demande.
L’IVG est possible jusqu’à 14 semaines de grossesse (soit 16 semaines après le 1er jour des dernières règles).
L’IVG est prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie (avec dispense totale d’avance de frais pour les personnes assurées sociales, les mineures et les bénéficiaires de l’aide médicale de l’État).
Une mineure n’a pas besoin d’une autorisation parentale pour avorter mais doit être accompagnée d’une personne majeure de son choix.
Il est possible de bénéficier d’un anonymat total pour cet acte.
Il n’est pas nécessaire d’avoir la nationalité française pour avorter en France.
Le consentement à l’IVG peut être donné directement après la consultation d’information, il n’y a plus de délai de réflexion pour les personnes majeures (pour les personnes mineures un entretien psycho-social est obligatoire entre l’information et le consentement)

Si vous avez des questionnements à ce sujet et/ou que vous avez besoin d’être accompagné·e pour avorter, vous pouvez vous rendre au Planning Familial le plus proche de chez vous, poser vos questions sur https://ivg-contraception-sexualites.org/, ou appeler le 0 800 08 11 11.

→ Conclusion : la constitutionnalisation

L’IVG est un droit fondamental qui s’inscrit dans le combat sans tristement sans fin des femmes à disposer de leur corps. Depuis le courageux manifeste des 343 en 1971, le droit à l’avortement s’est lentement développé afin de garantir au plus de personnes possible un accès légal et sécurisé à l’IVG. Pourtant, ce droit reste fragile, il n’y a qu’à voir la facilité avec laquelle ce droit a disparu chez certains de nos voisins européens. Ainsi, face aux menaces, mobilisons-nous pour faire entendre l’immense majorité de la population française en faveur de l’inscription de ce droit vital dans la Constitution !

Le 30 janvier dernier, l’Assemblée Nationale a adopté un projet de loi visant à inscrire la liberté d’avoir recours à l’IVG dans la Constitution. Ce jeudi 28 février, c’est au Sénat de se prononcer. S’il vote le texte dans des termes identiques à la formulation votée par l’Assemblée Nationale, il ne restera qu’une ultime étape pour que la révision de la Constitution soit définitivement adoptée : les députés et sénateurs réunis en Congrès parlementaire (déjà convoqué par le Président de la République en date du 5 mars prochain) devront approuver le texte à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Le droit à l'IVG constitutionnalisé

Mai 2024

Le 4 mars dernier, l’introduction de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution était définitivement adoptée dans les termes suivants : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». 

 

→ Qu’est-ce que la Constitution et comment la modifier ? 

 

Composée de 108 articles, elle contient essentiellement des articles organisant les institutions françaises. Son préambule, comprenant notamment la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, reconnaît des droits et libertés fondamentaux. La Constitution est la loi fondamentale en France, elle est au-dessus de toutes les autres normes françaises (lois, décrets…). A ce titre, elle ne peut être modifiée simplement, mais doit obéir à des conditions strictes, fixées notamment en son article 89. 

 

Cet article prévoit que l’initiative de la révision de la Constitution, revient :

  • soit aux membres du Parlement. 

La proposition de révision doit alors être votée en termes identiques par l’Assemblée nationale et par le Sénat avant d’être approuvée par référendum. 

  • soit au président de la République sur proposition du Premier ministre. 

Le projet de révision doit alors être voté en termes identiques par l’Assemblée nationale et par le Sénat avant d’être approuvé par référendum ou par la majorité des 3/5e des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en Congrès.

 

Ce sont ces deux types de modification qui ont été envisagées pour l’IVG, la première ayant échoué, et la seconde réussi. 

 

→ Le cheminement du texte vers la constitutionnalisation 

 

La volonté d’introduire le libre recours à l’IVG dans cette Constitution n’est pas nouvelle, cette question apparaissant dès 2018 dans le débat public. Mais ce n’est qu’en octobre 2022 que Mathilde Panot, députée de la France Insoumise, dépose la première proposition de loi visant à introduire dans la Constitution le droit à l’IVG ainsi que le droit à la contraception. Après quelques modifications, le texte adopté à l’Assemblée Nationale est finalement rejeté par le Sénat le même mois qui lui a opté pour le terme “liberté” plutôt que le “droit” de recourir à l’IVG. 

 

Un an plus tard, en octobre 2023, le Président de la République Emmanuel Macron annonce qu’un projet de loi de révision constitutionnelle sera déposé en conseil des ministres avant la fin de l’année. Ce projet de loi reprend les éléments du débat de la première proposition et se veut être un compromis (bien que reprenant pour l’essentiel les termes retenus par le Sénat), allant dans le sens des concessions admises par les parlementaires et associations féministes.

 

Après avoir été adoptée par l’Assemblée Nationale le 30 janvier 2024, la proposition de révision a été approuvée par le Sénat le 28 février 2024, poussée par la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. Cela a ouvert la voie à la réunion de ces deux chambres lors d’un Congrès désormais historique, le 4 mars dernier. A cette occasion, la nouvelle loi constitutionnelle a été adoptée à une écrasante majorité (780 pour, 72 contre), soit bien plus des 3/5e requis. Suite à cela, la loi a été promulguée le 8 mars puis publiée au Journal Officiel le 9 mars, modifiant alors pour de bon la Constitution. 

 

→ Une victoire ?

 

Oui ! L’introduction de l’IVG dans la Constitution est une grande avancée et un symbole fort envoyé au monde entier, de nombreux pays voyant l’accès à l’IVG être limité si ce n’est supprimé. On peut citer la Pologne par exemple, où l’IVG n’est permis qu’en cas de viol, inceste, ou en cas de danger grave pour la santé ou la vie de la personne enceinte, ou encore la Hongrie, où la protection de la vie du foetus dès sa conception est inscrite dans la Constitution et la personne voulant avorter a l’obligation d’écouter les battements du coeur avant de se décider.

En France, ce nouveau texte permet donc d’inscrire la reconnaissance de la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse dans un texte fondamental, infligeant une défaite à toutes les personnes militant pour faire disparaitre ce droit en lançant des campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux, en attaquant les permanences du planning familial, etc. 

 

Mais… cette inscription de la liberté d’avorter dans la constitution ne contraint pas l’Etat à garantir l’accès à l’IVG pour toustes, alors même que cet accès est toujours difficile en France, en raison des déserts médicaux, du peu de professionnel-les pratiquant les IVG (à savoir 2,9% des généralistes et gynécologues et 3,5% des sages-femmes), des disparités territoriales quant au délai entre la première demande pour une IVG et sa réalisation (en moyenne de 7,4 jours mais pouvant varier de 3 à 11 jours en moyenne selon les régions), des pénuries de pilules abortives, de la double clause de conscience des médecins, des réductions budgétaires de subventions aux associations agissant pour aider les personnes à avoir recours à une IVG, etc … Cet accès à l’IVG reste également inégal selon le niveau social des femmes et selon la disponibilité des structures près de leur lieu de résidence (130 centres d’IVG ayant fermé leurs portes depuis 15 ans et 17% des IVG étant réalisés hors du département des patientes). Cette loi ne contraint pas l’État à mettre tous les moyens en son pouvoir pour garantir l’effectivité et l’égal accès à l’IVG sur tout le territoire et pour toustes.

L’usage du terme “femme” (comme excluant les autres personnes étant en capacité de procréer) et “liberté” (comme étant bien moins protecteur que “droit”) sont également critiquables. 

 

En conclusion : la lutte continue ! 

 

→ Une dernière actualité pour la route !

 

Un décret paru le 23 avril 2024 autorise désormais les sages-femmes à pratiquer l’IVG instrumentale en établissement de santé sans l’obligation de la présence d’un médecin, et après avoir suivi une formation théorique et pratique. 


Les sages-femmes étaient déjà habilitées à pratiquer l’IVG médicamenteuse depuis janvier 2016. Et avant ce nouveau décret, elles devaient remplir certaines conditions strictes pour pratiquer l’IVG instrumentale. Par exemple, elles ne pouvaient réaliser des IVG que dans des grands centres (et non dans de plus petite structure par manque de médecins).

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